Hanoï, 5 juin 2025 — Le Vietnam a officiellement levé la politique limitant à deux le nombre d’enfants par famille, tournant ainsi une page importante de son histoire démographique. Cette décision, annoncée cette semaine par le ministère de la Santé, vise à répondre au vieillissement rapide de la population et à l’effondrement du taux de natalité dans certaines régions du pays.
Un héritage de la planification familiale
La politique de limitation des naissances, instaurée dans les années 1980, s’inspirait de la stratégie chinoise du « planning familial ». Bien que moins stricte que la politique de l’enfant unique de son voisin, la règle vietnamienne recommandait fermement de ne pas avoir plus de deux enfants, notamment pour les fonctionnaires et les employés du secteur public, sous peine de sanctions ou de freins à la promotion professionnelle.
Selon les autorités, cette politique a permis d’éviter près de 20 millions de naissances au cours des quatre dernières décennies. Toutefois, elle a aussi contribué à un déséquilibre démographique croissant.
Un changement dicté par l’urgence démographique
Le taux de fécondité du Vietnam est aujourd’hui tombé à 1,95 enfant par femme, soit en dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1). Dans les grandes villes comme Hanoï ou Hô Chi Minh-Ville, ce chiffre chute même à 1,3. Parallèlement, la population vieillit rapidement : d’ici 2050, près d’un tiers des Vietnamiens auront plus de 60 ans.
« Le pays est confronté à un double défi : une main-d’œuvre qui diminue et une pression croissante sur les systèmes de santé et de retraite », a déclaré Phan Van Mai, porte-parole du ministère du Travail. « La levée de cette limite vise à encourager les couples à avoir plus d’enfants et à maintenir une structure démographique équilibrée. »
Des incitations plutôt que des restrictions
Outre la levée de l’interdiction, le gouvernement a annoncé un ensemble de mesures incitatives pour soutenir la parentalité : subventions à la garde d’enfants, allongement des congés parentaux, aides financières à la naissance et à la scolarisation. Certaines provinces rurales, particulièrement touchées par l’exode vers les villes, proposeront des primes à la natalité.
Cependant, de nombreux experts estiment que ces incitations devront s’accompagner d’un changement profond dans les mentalités. « Aujourd’hui, de nombreux jeunes couples ne veulent pas d’enfants, ou n’en veulent qu’un, à cause du coût de la vie, du logement et de la pression professionnelle », souligne Thu Nguyen, sociologue à l’Université nationale de Hanoï.
Un tournant pour l’Asie du Sud-Est
Avec cette réforme, le Vietnam rejoint d’autres pays asiatiques — comme la Chine, la Corée du Sud ou le Japon — qui tentent de renverser la tendance au déclin démographique. Mais les résultats de telles politiques restent incertains : malgré la fin des restrictions, les naissances ne repartent pas nécessairement à la hausse.
Reste à savoir si le Vietnam réussira à inverser la courbe. Pour l’heure, la décision marque un tournant : celui d’un pays qui, après avoir tenté de contenir sa croissance démographique, doit maintenant la relancer.