Avec Paroles en état de siège, Benoit D’Afrique signe un recueil brûlant, écrit depuis le bord du monde. Il y fait de la langue un abri pour les voix qu’on n’entend plus — celles des exilés, des épuisés, des survivants du quotidien. Une poésie qui écoute avant de parler.
Il y a chez Benoit D’Afrique quelque chose de l’écoute des sismographes — cette capacité rare à capter les secousses invisibles du monde. Dans Paroles en état de siège, le poète et photographe d’origine haïtienne rassemble des fragments de paroles, des souffles arrachés au tumulte. Ce recueil, à mi-chemin entre l’essai poétique et le carnet de terrain, s’impose comme un espace de résistance, une sorte de chambre d’échos où s’écrivent la douleur, la mémoire et la survie.
Le siège intérieur et collectif
Le titre dit tout : Paroles en état de siège. Pas celui d’un pays, mais celui de la langue elle-même, mise à genoux, détournée, trahie. Benoit avance dans les ruines du verbe pour en extraire les voix blessées, les murmures tenaces, les éclats encore chauds. Il écrit comme on sauve des débris de mémoire après la tempête.
Ses textes — courts, éclatés, tendus — évoquent à la fois le journal d’un exilé et le chœur d’une foule debout. On y entend le bruit sourd des révoltes, les silences d’un peuple en suspens, mais aussi les inflexions du créole, cette langue qu’il manie comme un fil de couteau et de tendresse. Il ne prétend pas (représenter) : il recueille. Il écoute. Il restitue. Le poète devient passeur, archiviste du sensible.
Une poétique du témoin
Il ne s’agit pas d’écrire sur les autres, mais avec eux. Chez Benoit D’Afrique, la poésie devient terrain d’écoute. Son écriture relève de l’ethnographie intime : une main tendue, une oreille posée sur le monde. Chaque parole recueillie devient un acte politique. Ce geste n’est pas sans rappeler Césaire ou Glissant — ces poètes pour qui le verbe n’était pas seulement révolte, mais réinvention du monde.
Chez D’Afrique, la tension est d’aujourd’hui. Elle traverse nos villes barricadées, nos visages usés par la lumière bleue, nos silences saturés. Son état de siège n’est pas une métaphore : c’est celui d’un monde à bout de souffle, où la poésie cherche encore une fenêtre pour respirer.
Le poète comme veilleur
Directeur de publication de la revue Débridé, qu’il pilote depuis Paris comme un laboratoire de la langue contemporaine, Benoit D’Afrique poursuit la même quête : déraidir la langue, la remettre debout, coûte que coûte. Paroles en état de siège pousse plus loin cette exigence, jusqu’à l’incandescence. Dans ce livre, il ne signe pas seulement un recueil, mais une respiration collective. Les voix qu’il recueille, il les mêle à la sienne comme pour conjurer la disparition. Chez lui, la parole devient foi, presque mystique : trace, survie, feu.
En refermant le livre, on a le sentiment d’avoir traversé un pays de mots assiégés, mais debout. Un pays où la poésie, encore, tient lieu de résistance.
Caractéristiques
- Auteur : Benoit D’Afrique
 - Éditeur : La Veilleuse
 - Date de parution : 12/06/2025
 - Collection : Verre Ardent
 - EAN : 9782889780341
 - ISBN : 2889780341
 - Nombre de pages : 80
 



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