Le Sénégal met fin à « Akon City », la ville futuriste rêvée par la star sénégalaise
Mbodiène (Sénégal) – L’annonce est tombée sans surprise, mais avec la force d’un constat amer : le projet « Akon City », initié en 2020 par la star de la musique Akon, est officiellement abandonné. La société publique sénégalaise d’aménagement touristique Sapco a confirmé avoir repris la majorité des terres allouées au projet, faute de progrès significatifs.
Présenté comme une cité futuriste à 6 milliards de dollars, construite à Mbodiène, à une centaine de kilomètres de Dakar, le projet devait combiner technologies vertes, smart city, et crypto-monnaie. Cinq ans plus tard, seul un bâtiment d’accueil a été érigé sur un terrain largement resté vierge.
« Le projet n’existe plus », a déclaré à la presse Serigne Mboup, directeur de Sapco, actant la reprise des 500 hectares attribués à Akon.
Un projet ambitieux, un bilan dérisoire
À l’origine, Akon promettait une ville inspirée de Wakanda, la cité imaginaire du film Black Panther, conçue comme une vitrine de l’Afrique du futur. L’artiste s’engageait à mobiliser des financements privés et à lancer rapidement les travaux. Mais dès 2021, les retards s’accumulent. En 2022, les autorités s’inquiètent de l’absence de calendrier clair.
Un ultimatum est lancé à l’été 2024. Il reste sans suite. Le manque de documents techniques, l’absence de consortium solide, et des doutes persistants sur la capacité de l’artiste à réunir les fonds promis auront eu raison de la patience des autorités.
« Nous avons essayé d’accompagner, mais un pays ne peut pas rester indéfiniment suspendu à des déclarations d’intention », indique une source proche du ministère du Tourisme.
Nouveau cap : un projet touristique réaliste
Plutôt que de laisser la friche intacte, le gouvernement sénégalais a décidé de réorienter l’aménagement vers un projet plus modeste, mais jugé « réaliste ». Un complexe touristique de 1,2 milliard de dollars, avec hôtels, marina et logements côtiers, est désormais en préparation.
Le projet sera piloté par un consortium privé sénégalais, appuyé par Sapco, et devrait générer jusqu’à 15 000 emplois durant sa première phase.
Akon conserve, lui, une petite portion du foncier initial — environ 8 hectares — et pourrait contribuer à certaines composantes culturelles du futur programme.
Une désillusion pour les habitants de Mbodiène
Dans ce village côtier de pêcheurs, l’arrivée du projet Akon City avait suscité l’espoir d’un développement rapide. Les habitants, nombreux à avoir cédé leurs terres ou modifié leurs activités dans l’attente du chantier, se sentent aujourd’hui lésés.
« On nous avait promis des routes, des hôpitaux, des écoles. Aujourd’hui, il n’y a rien », regrette Mamadou, un habitant de Mbodiène.
L’échec d’une vision trop ambitieuse
Le cas Akon City soulève des questions sur la faisabilité des projets pharaoniques, portés par des célébrités sans expérience avérée dans le développement urbain. Il illustre aussi la difficulté des États africains à concilier rêves de grandeur et impératifs économiques.
À l’heure où le Sénégal est confronté à une pression sur sa dette et à la nécessité de renforcer son infrastructure touristique, le choix de la rupture paraît stratégique autant que symbolique.
Akon, de son côté, n’a pas encore officiellement réagi à l’abandon du projet. Dans des déclarations passées, il affirmait que « le rêve prenait plus de temps que prévu, mais n’était pas mort ».
Le gouvernement sénégalais, lui, semble avoir tourné la page.
